N°25 > Graffiti et street art
Histoire et conscience
mémoire & patrimoine
Parcours d’architecture
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© ggps
Un phénomène de société entre art et rejet
« La culture pour tous » est un objectif prioritaire pour toutes les municipalités qui ne
perçoivent pas exclusivement la culture comme un loisir ou un divertissement. Pour autant,
la mise en œuvre de cet objectif ambitieux, d’une culture émancipatrice, avide de sens,
ouverte et créatrice « de vivre ensemble », doit faire face à de nombreuses incompréhensions
et résistances pour qu’elle prenne sa véritable place dans notre société.
Beaucoup d’acteurs culturels aspirent à dépasser les blocages d’une culture réservée à une
élite et s’interrogent sur la façon de rendre la culture accessible à tous. C’est pourquoi cet
art urbain au départ transgressif, par sa capacité interpellatrice, provocatrice, répond bien
à cette aspiration d’un art qui va à la rencontre des femmes et des hommes.
Certains considèrent que le street art est le plus important mouvement artistique contemporain d’ampleur internationale et qu’il signe pour la première fois dans l’histoire de l’art, la
véritable expression d’un art appartenant à tous. Né dans les années 1970 dans les sombres
rues des villes délabrées d’Amérique du Nord, le street art est aujourd’hui reconnu comme
un art à part entière mais il se trouve face à un paradoxe qui nous pousse à nous interroger
sur sa nature et les nombreuses définitions de cette expression artistique.
Sans omettre les passerelles qui peuvent exister entre ces deux expressions qui peuvent
s’exercer conjointement, il y a bien une différence de nature entre le tag vecteur de message,
servant à s’exprimer, à montrer son existence, à représenter son groupe en laissant une
trace, une empreinte de soi et le graff. En effet, celui-ci correspond davantage à une
recherche d’esthétisme, de beauté, d’art. Il possède des enjeux de communication : il induit
un interlocuteur, et donc un dialogue, souvent basé sur la reconnaissance et l’admiration.
S’il existe dans la pratique du tag une réelle notion d’interdit, de risque, de bravoure,
elle apparaît aussi comme une incivilité, un vandalisme, un irrespect. Pour beaucoup, les
tags dégradent le cadre de vie, donnent une image négative de la ville et nourrissent les
sentiments d’insécurité et de relégation.
A contrario, le graff qui a subi longtemps le scepticisme des marchands et des musées
a acquis aujourd’hui une reconnaissance non seulement du monde de l’art mais aussi du
grand public. Loin de l’idée originale d’un art clandestin et anonyme, de très nombreux
graffeurs talentueux, d’Ernest Pignon-Ernest à Lek et Sowat actuellement pensionnaires
de la Villa Médicis, en passant par MTO, Banksy, C215 et autres, accèdent après Jean-Michel
Basquiat à la notoriété et au marché de l’art.
C’est le paradoxe de cet art urbain, qu’analyse avec finesse l’auteur de cette brochure,
Vittorio Parisi.
Jean Chrétien, Maire-adjoint à la vie culturelle, au patrimoine et à la mémoire
Probablement des noms, pour certains de 1995, grattés sur le mur par des enfants. Ce n’est pas du graffitiwriting stricto sensu, car il n’y a pas de tags. Pourtant, on y reconnaît l’esprit à l’origine du graffiti : l’affirmation
de sa propre identité dans l’espace urbain. Rue Toffier-Decaux.
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archives municipales de Pantin © L.Kruszyk
Les anciens Magasins généraux de la CCIP désaffectés, « envahis » par les graffeurs dès 2006.
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Graffiti et street art >
Histoire et conscience
Vittorio Parisi , doctorant en Esthétique,
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Un art qui (im)pose des questions
Rédiger une histoire et une théorie à la fois du graffiti et du
street art est devenu aujourd’hui une mission relativement
risquée. Nous nous retrouvons face à deux phénomènes
qui – en voulant à un instant donné tenir pour acquis le
rapport souvent souligné entre l’un et l’autre – existent
désormais depuis presque un demi-siècle. Pour autant
c’est seulement durant la dernière décennie qu’ils sont
devenus l’objet d’une attention hypertrophiée, globale et
multiforme. La quantité d’événements tels qu’expositions
et festivals, l’intérêt toujours croissant des médias et du
marché de l’art, l’amas d’articles publiés chaque jour sur
quotidiens et magazines, sans oublier la multitude de livres
qui abordent le sujet, tout ce ferment cumulé pendant
une période relativement courte nous impose d’observer
le graffiti et le street art avec un certain détachement
critique, pour être certains de ne pas tomber dans les
pièges de la mode et des lieux communs.
Le poète Arthur Rimbaud :
affiche d’Ernest Pignon-Ernest.
Ce détachement doit venir du constat qu’une pratique
telle que le graffiti, née spontanément aux frontières
géographiques et culturelles de la métropole américaine,
sans aucune ambition artistique mais, au contraire, avec
une forte vocation illégale, est aujourd’hui devenue
très institutionnalisée. Elle n’est plus à réprimer mais à
soutenir, en tant que ressource non seulement culturelle
mais commerciale voire souvent, politique. Il s’agit d’un
« changement de peau » assez radical : hier vandale
à poursuivre et à menotter, aujourd’hui entrepreneur
vedette, objet du désir du marché ; comment peut-on
considérer le graffeur/street artiste de nos jours ?
La star Banksy est le paradigme de cette nouvelle figure
hybride et difficile à catégoriser : un street artiste à l’identité
cachée ou un génie du marketing ? Un recherché par la loi
ou un protégé du marché ? Un authentique produit de la rue
ou le résultat d’une stratégie commerciale ? L’inspirateur
d’une nouvelle tendance ou plutôt le responsable de la
« mort du street art » ?
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Le street art et sa « fin »
Un discours analogue pourrait être appliqué
au graffiti et au street art, ceux-ci également touchés par des bouleversements
qui en ont modifié la vocation et l’observation : peut-on toujours parler de graffiti,
quand il se déplace du mur à la toile ?
Peut-on toujours le considérer comme une
pratique spontanée, alors que partout nous
retrouvons des festivals, des conférences,
des initiatives autorisées ? Qu’en est-il, finalement, de son âme enracinée dans l’illégalité et l’éphémère, dans un panorama de
soutien presque choral des institutions, des
administrations citoyennes ?
© ggps
Parler de fin ou de mort en se référant à une
pratique artistique n’est certainement pas
quelque chose d’inédit. Au contraire, c’est
un discours devenu caractéristique de la
modernité depuis la célèbre proclamation de
Hegel : « … l’art, ou du moins sa destination
suprême, est pour nous quelque chose du
passé. »1. Cette idée a influencé plus tard la
pensée de l’historien allemand Hans Belting
et surtout celle du philosophe américain
Arthur Danto, qui a interprété l’avant des
boîtes Brillo d’Andy Warhol comme le commencement d’une époque post historique
de l’art, où la pure appréciation esthétique
n’est plus suffisante pour distinguer entre
œuvres d’art et objets réels2.
Fresque collective de la parisienne Kashink et des londoniennes Pang (en noir et blanc) et Float (masque).
« L’art dans la rue » organisé par l’association « Les 5 chemins ». Rue Toffier-Decaux.
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© ggps
Cyklop, artiste français, se sert des formes du mobilier urbain pour les transformer. Ici les potelets deviennent
des bonshommes « cyclopiques ». Rue Toffier-Decaux.
L’ensemble de ces questions nous fait
soupçonner que l’hypothèse d’une fin du
street art ne se situerait pas trop loin de
cette dialectique du discernement développée par Arthur Danto. Cependant, dans
notre cas, il ne s’agit pas non plus d’opérer une séparation entre la catégorie des
œuvres et celle des objets ordinaires, ni de
distinguer ce qui relève du graffiti de ce qui
n’en relève pas : il s’agit, en revanche, de
déplacer le discours du point de vue factuel
à celui de la qualité. De l’observation objective au jugement de valeur, c’est-à-dire
avec le détachement critique auparavant
mentionné.
Comment procéder ? Quelques siècles
avant Hegel, Giorgio Vasari, le fondateur
de l’historiographie artistique occidentale,
parle de « mort des arts » dans son célèbre
traité de 1550, Les Vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes.
La nature des arts, dit Vasari, « […] comme
le corps humain, comporte naissance, croissance, vieillissement et mort »3. Connaître
les contextes historique, social et culturel
à l’origine de la naissance du graffiti est
sûrement le meilleur point de départ.
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À la fin des années 60, un jeune coursier new-yorkais
signe au marqueur son pseudo « Taki 183 » (sa rue
étant la 183e). Il sera le premier tagueur à apparaître
dans le New York Times, en 1971.
Courte histoire du graffiti
Nous sommes en 1968, ou en 1969, peutêtre. La date est incertaine. On ne sait pas
non plus si le graffiti est né à Philadelphie
ou à New York. Si quelques-uns soutiennent
que la première a été son véritable berceau, c’est sûrement à New York que le
graffiti-writing fait ses premiers pas et
connaît les étapes fondamentales de son
évolution.
Un peu plus tard, le tag abandonnera la formule «p rénom + n° de rue » et ressemblera
de plus en plus à un simple sobriquet, parfois
accompagné de chiffres, parfois non :
PHASE 2, ZEPHYR, FUTURA 2000, DONDI
sont parmi les artistes les plus importants
d’une deuxième étape de l’histoire du graffiti,
caractérisée par l’incrémentation du commerce des bombes de peinture.
Dans les numéros des rues qui accompagnent les tags des origines nous avons
l’opportunité de repérer des informations
capitales sur le contexte socioculturel où
vivaient les premiers graffeurs. Ceux-ci
habitaient la région septentrionale de
New York, notamment les quartiers de
Harlem, Washington Heights et Inwood à
Manhattan, ainsi qu’une partie du Bronx et
du Queens. Les communautés résidentes
sont pour la plupart latino-américaines,
notamment portoricaines et dominicaines,
mais on compte aussi les afro-américains de
Harlem ainsi que des italiens et des grecs.
Au commencement était le tag
Le point de départ, la véritable base du
graffiti-writing, et ce qui nous permet
d’opérer une toute première distinction
entre graffiti et street art, c’est le tag.
Ce mot, qui en anglais signifie « étiquette »
et que nous retrouvons aujourd’hui un peu
partout dans le répertoire des réseaux
sociaux, n’est que le nom de plume (ou
pourquoi pas nom de guerre ?) choisi et
utilisé par le graffeur. Le tag des origines
se compose de façon assez précise : au
prénom du graffeur, ou à son diminutif, suit
le numéro de la rue de New York où celui-ci
vit et agit. Les noms les plus communs au
début des années 1970 sont, par exemple,
CAY 161, TAKI 183, JULIO 204, etc.
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Exemple de « one-liner » : tag ou throw-up (graffiti
réalisé très rapidement) fait d’un seul trait et d’un
seul coup. Mosa du PAL crew (Peace and Love).
Rue Denis-Papin.
© ggps
Graffiti et street art > Histoire et conscience
© ggps
Cette pièce met en évidence le style « bubbly » (à bulles) de Mosa (PAL crew) dans l’allée d’un ancien garage
rue Édouard-Vaillant.
Des adolescents faisant partie de ces minorités ethniques ont ainsi commencé à écrire
leurs pseudonymes, leurs tags, sur les murs
de leurs quartiers. Écrire sur les parois
n’est naturellement pas quelque chose de
nouveau : il s’agit d’une pratique millénaire,
qui touche aux véritables racines de l’art si
l’on pense aux peintures rupestres et qui
n’a jamais été abandonnée par les hommes.
De plus, le terme « graffiti » avait été originairement forgé en 1851 par l’archéologue
jésuite italien Raffaele Garrucci4, afin de donner un nom aux inscriptions gravées sur les
murs de Pompéi et Herculanum : graffiare en
italien signifie « griffer », « gratter ».
L’attribution de ce titre à ce que nous
appelons aujourd’hui « graffiti » est entériné quand le phénomène commence à
se répandre dans tout New York en attirant l’intérêt des forces de l’ordre, de
la presse et d’écrivains comme Norman
Mailer, auteur en 1974 d’un ouvrage capital qu’il appelle The Faith of Graffiti5. Les
jeunes graffeurs des origines se référaient
à eux-mêmes tout simplement avec l’appellation de writers, d’écrivains. Mais qu’estce qui avait pu pousser un adolescent de
périphérie à écrire, d’une façon presque
obsessionnelle, son pseudonyme sur le mur
de son quartier ? Pourquoi et comment a-t-il
commencé le writing ?
La construction d’une nouvelle identité
Derrière ce qui semble avoir tous les aspects
d’un acte à la fois ludique et vandale, d’un
jeu miré à transgresser une interdiction, se
cache quelque chose de beaucoup plus profond. Les graffiti pompéiens étaient surtout
des phrases aux contenus assez variés. Les
inscriptions routières des situationnistes
parisiens avaient une connotation politique
explicite. Où repérer de la profondeur alors,
dans une pratique consistant dans l’acte
pur et simple, d’écrire son propre pseudonyme sur un mur ?
Avant même de considérer cette pratique
en tant qu’art, le graffiti apparaît à nos
yeux comme un acte de construction d’une
nouvelle identité. Les jeunes résidents des
quartiers situés aux marges de la métropole américaine ont grandi avec la seule
culture visuelle des publicités routières, des
bannières et des enseignes commerciales,
des symboles, des logos, des panneaux
routiers. Pour comprendre l’esthétique du
graffiti et sa configuration apparemment
très simple, il faut d’abord considérer le
type d’images constituant l’univers visuel
de ses protagonistes.
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© ggps
en premier lieu, parce qu’en 1971 le writing
existait depuis deux ou trois ans et parce
que ce débat n’a jamais été capable de
fournir des réponses – ou des hypothèses –
satisfaisantes sur les véritables raisons du
succès des graffiti.
La nouveauté par rapport aux pratiques
murales du passé, ainsi qu’au simple fait
d’écrire son propre prénom sur un mur,
c’est de créer une nouvelle identité pour
soi-même, suivant les véritables logiques
d’une marque, son esthétique et ses modalités de distribution, pour finalement se
réapproprier ce même espace urbain
visuellement monopolisé par les publicités.
Nous pouvons tout à fait penser au graffiti
comme à un acte politisé. Cependant, au
contraire de pratiques qui le sont explicitement comme le susmentionné situationnisme, le writing n’a pas été une révolution
consciente et organisée et n’a jamais pris
une forme d’activisme. À l’opposé, il s’agit
d’une révolution insouciante, envahie d’une
certaine aura de spontanéité. Le vandalisme et l’art se lieront à l’identité du graffiti
un peu plus tard, avec la propagation du
phénomène, la conséquente recrudescence
des mesures policières et l’intérêt suscité
chez les collectionneurs et les galeries d’art.
À l’époque de TAKI 183, le graffiti est
répandu partout, les tags se sont multipliés
et pour la plupart se sont déplacés des
murs des rues au parois du métro. C’est là
que tout change, et que pour la première
fois ce writing des origines si lié à l’iconicité
et à la simplicité du tag devient quelque
chose d’autre, tant esthétiquement que
socialement et politiquement. Le graffiti
est devenu un problème assez sérieux pour
les forces de l’ordre et pour les institutions,
qui sont poussées à entreprendre des politiques anti-graffiti de plus en plus répressives, de la première « guerre aux graffiti »
du maire John Lindsay en 19727, jusqu’à la
constitution d’une Anti-Graffiti Task Force
par Rudolph Giuliani en 19958. Cette dernière
est inspirée de la fameuse « théorie de la
vitre brisée », qui lie la formation du crime
et celle du désordre urbain dans un rapport
circulaire de cause-effet9. Ainsi cette pratique est associée à la délinquance et à la
criminalité, ou du moins considérée comme
l’amorce de leur explosion.
© ggps
Exemple de style « blockbuster », caractérisé par des
lettres capitales et carrées. Epocar. Rue Denis-Papin.
Premiers graffeurs, premières mesures
anti-graffeurs
Durant ces dix dernières années on a beaucoup cherché à découvrir qui avait été
le premier graffiti-writer. Le plus cité est
TAKI 183, en raison d’un article du New
York Times daté du 21 juillet 1971, intitulé
« Taki 183 Spawns Pen Pals »6.
Cependant, le débat à propos du premier
writer n’est pas vraiment intéressant :
10
Œuvre sur une porte métallique donnant sur le Quai
de l’Aisne de Seth, artiste français qui se distingue
par la création de personnages aux traits délicats et
à l’aspect enfantin.
© ggps
Graffiti et street art > Histoire et conscience
Le graffiti emploie parfois la calligraphie traditionnelle comme moyen d’expression. Ici, des lettres d’inspiration
gothique prennent la forme d’échafaudages et de grues pour créer un paysage industriel. Pièce du SE crew
(« Sang d’Encre »). Rue Toffier-Decaux.
Esthétique du graff
Les trains sont en effet le support le plus
convoité des graffeurs, car ils offrent la
possibilité de montrer sa propre pièce dans
les cinq districts de New York et devenir
un all city writer. Mais au delà des dimensions et du positionnement des pièces,
la caractéristique la plus remarquable de
ce tournant artistique est certainement
représentée par le style : une quête pour
la visibilité à travers l’originalité, afin d’être
admiré, voire envié par les autres graffeurs
ou bandes de graffeurs (crews) de la ville,
ce qui fait du graffiti une compétition entre
pairs. Le graffiti n’a en effet jamais vraiment cultivé le désir de se faire admirer par
les citoyens ou les touristes, il n’a jamais
cherché à surprendre les gens qui ne sont
pas de son milieu, et en ce sens nous pourrions le considérer comme une forme d’art
hermétique et élitaire.
archives municipales de Pantin
D’un point de vue purement esthétique, les
changements sont évidents : après avoir
été une signature rapidement esquissée à
l’aide d’un feutre ou d’une bombe noire ou
rouge, le tag commence à se gonfler. Les
lettres ne sont plus des simples lignes, elles
ont désormais des contours, puis l’espace
à l’intérieur de ces contours commence à
être rempli de couleurs, de formes géométriques et de flèches. La rapide évolution
technologique des bombes aérosol et l’accès
de plus en plus facile à leur achat, voire
surtout à leur vol, donne une envergure
nouvelle et, oui, véritablement artistique
au graffiti. Les pièces se font de plus en
plus grandes, jusqu’à occuper ainsi toute
la façade des wagons, en hauteur (top-tobottom) et en largeur (whole car), parfois
les trains en entier (whole train).
Pièces illégales, réalisées sur des palissades en béton par Horfe et Cony (PAL crew).
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© K. Boukercha
Sean Hart fait du street art un moyen de diffusion de sa poésie et de ses concepts philosophiques, anciens Magasins
généraux de la CCIP.
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© ggps
Graffiti et street art > Histoire et conscience
avec les photographies de Jon Naar et une
dizaine d’années plus tard, Subway Art
(1984), des photographes Martha Cooper
et Henry Chalfant, le plus important témoignage photographique des graffiti newyorkais des années soixante-dix et début
quatre-vingt. Les premières expositions
collectives ont lieu dans des galeries
comme Fashion Moda en 1980 et FUN
Gallery en 1982, mais la toute première
exposition dédiée à deux artistes du milieu
graffiti, Fab Five Freddy et Lee Quinones, a
été organisée en Europe, à Rome, en 1979,
dans la galerie La Medusa.
[inconnu]. New York, septembre 1982.
L’Europe à la découverte des graffiti
L’Europe a immédiatement montré une
sensibilité très prononcée vers cette nouvelle forme d’art venant de l’autre côté de
l’océan Atlantique, comme en témoignent
les essais de deux intellectuels, Goffredo
Parise et Jean Baudrillard. Le journaliste
et écrivain italien Parise écrit en 1975 un
article enthousiaste sur les graffiti newyorkais pour le quotidien italien Corriere
della Sera, en disant notamment : « […]
mon impression, après les avoir longtemps
étudiés dans leur immense bibliothèque
© ggps
Le discours sur le style est le plus important
parce qu’il nous permet de considérer le
graffiti comme un terrain de recherche
graphique, comme une nouvelle forme de
calligraphie : c’est un combat pour l’unicité,
poursuivie à travers le choix de formes et
couleurs, d’éventuels éléments figuratifs,
de fioritures et d’infinies variations sur l’alphabet. L’intérêt des écrivains et des photographes pour cette forme d’expression
a donné naissance à la publication d’ouvrages considérés aujourd’hui comme des
références : The Faith of Graffiti, déjà cité,
Les graffiti sauvages investissent les murs, après le pont Hippolyte-Boyer, vers Raymond-Queneau.
13
Surtout, le graffiti est plus que la simple
envie de souiller un mur ou de laisser une
trace de façon gratuite et indiscriminée.
Baudrillard est un des premiers à analyser
la genèse des graffiti en la reliant directement à l’esthétique de l’environnement
urbain new-yorkais. Il forge notamment
le mot « sémiocratie », pour indiquer le
« régime des signes » publicitaires et commerciaux qui caractérisent cet environnement, et pense au graffiti comme à une
lutte contre les signes institutionnels à
travers de nouveaux signes. Aux signes
déshumanisant de la métropole, les graffeurs
opposent une affirmation de soi et de leur
propre existence. En ces termes, pourquoi
ne pas interpréter le graffiti comme une
forme inédite d’autoportrait ? Comme les
autoportraits, les graffiti sont une forme
d’investigation du « soi », parce que les
graffeurs s’identifient et sont identifiés
avec leurs pièces, et parce que la recherche
d’un style unique implique en premier lieu
l’élaboration d’une nouvelle identité.
© ggps
(la ville de New York), c’est que les graffiti sont les documents de la première
culture nationale populaire américaine.
Jusqu’à aujourd’hui, jusqu’aux graffiti, la
culture américaine avait été d’importation européenne »10. Baudrillard, célèbre
sémiologue et sociologue français, publie
la même année un essai intitulé Kool Killer,
ou l’insurrection des signes. Il dit : « […]
les graffiti refont des murs et des pans de
la ville, ou des rames de métro et des bus,
un corps, un corps sans fin ni commencement, tout entier érogénéisé par l’écriture
comme le corps peut l’être dans l’inscription
primitive du tatouage. »11 ou encore « Les
graffiti se sont faits plus savants, avec
des graphismes baroques incroyables, avec
des ramifications de style et d’école liées
aux différentes bandes qui opéraient. »12
En substance, Parise et Baudrillard ont été
parmi les premiers à avoir reconnu que,
derrière un graffiti, se cachait beaucoup plus
de sédimentation historique et d’inventivité
esthétique que l’on pouvait croire.
Steve Jobs avec une couronne rouge et des grimaces. Pochoir, sous le pont de la mairie. « Obsolete » est
peut-être le nom de l’auteur.
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© F. Delangle
Les insectes à la bombe noire d’Itvan Kevadian viennent dialoguer avec le travail minimaliste, en transparence,
des flèches au tracé direct de Lek. Fenêtre des anciens Magasins généraux.
Le « street art » : fils, frère ou
cousin du graffiti ?
Avant de parler de street art et d’entreprendre un discours sur la genèse de celui-ci
par rapport au graffiti, il faut refouler toute
possible confusion terminologique entre
les deux expressions. Les mots comme
writing et graffiti sont strictement liés à
la création d’un pseudonyme dit « tag », et
à sa conséquente élaboration artistique.
Nous ne pouvons parler de graffiti qu’en
nous référant strictement à ce culte
du nom et de la lettre. Au contraire, le
terrain épistémologique sur lequel se fonde
l’expression street art est beaucoup plus
précaire et nous oblige à l’employer avec
prudence. L’histoire de cette formule est
nébuleuse et il est assez difficile de tracer
une généalogie de son usage, qui aujourd’hui
se réfère à des pratiques très variées :
de la peinture murale libre (à la bombe
ou au pinceau) au pochoir, du sticker à
l’installation, du détournement de mobilier
urbain (potelets, bancs, cabines téléphoniques, etc.) aux publicités, à l’affichage
de posters et de photographies, du vidéomapping à la wall painted animation, de la
sculpture à la mosaïque.
Cet univers protéiforme se développe en
Europe et aux États-Unis avec des modalités
et des objectifs complètement différents.
En observant certains graffiti sur les trains
new-yorkais vers la fin des années soixantedix, nous remarquons la présence, de plus
en plus insistante, de certains éléments
figuratifs, souvent des bonshommes ou des
animaux dont l’esthétique nous renvoie
sans équivoque à celle des dessins animés.
Ces éléments prennent le nom de puppets,
marionnettes. On peut avancer l’hypothèse
que le puppet a commencé à gagner une
certaine autonomie par rapport à la lettre,
en offrant au marché de l’art de nouvelles
opportunités.
En 1980 un jeune étudiant de la School
of Visual Arts de New York, Keith Haring,
fasciné par les graffiti, remplit de dessins
à la craie les affiches noires du métro, utilisées pour couvrir les affiches publicitaires
obsolètes. Ses dessins remportent rapidement un véritable succès artistique et
commercial, qui le font entrer dans l’écurie
du galeriste Tony Shafrazi.
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© ggps
L’expérience européenne du street art
est très différente et précède celle des
États-Unis. Ses premières apparitions
ont lieu en France avec l’art urbain,
au début des années 1960 avec des
artistes tels que Gérard Zlotykamien,
Ernest Pignon-Ernest et Daniel Buren :
chacun d’eux a des finalités artistiques
très différentes par rapport à celles des
writers new-yorkais. Le Paris d’après-guerre
vient d’être investi par les mouvements
lettriste et situationniste et par leur vision de
« dérive urbaine », décrite par Guy Debord
en 1956 comme l’acte de reconsidérer la
vie dans l’espace urbain. Le but étant de
« se laisser aller aux sollicitations du terrain
et des rencontres qui y correspondent »13,
une forme de flânerie renouvelée, vouée à
l’abandon de la simple expérience pratique
de l’espace urbain au profit de l’adoption d’une
conscience à la fois poétique et politique.
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© ggps
Mosaïque de l’artiste français Invader, un des street
artistes les plus connus et les plus originaux. Il
propose une fusion entre la technique millénaire de
la mosaïque et l’esthétique pixélisée des jeux vidéo
japonais, notamment celui des « Space Invaders » de
1978. Véritable « envahisseur », Invader ne manque
jamais de coller ses créatures extra-terrestres dans
les pays qu’il visite. Quai de l’Aisne.
Ce ferment n’a pu que laisser des traces
assez marquées pour cette génération
d’artistes urbains, qui pour la première
fois remettent en question la légitimité des
musées et des galeries en tant que lieux
exclusifs d’appréciation esthétique, pour
finalement investir l’espace de la ville. Les
silhouettes anthropomorphes, dessinées à la
bombe de peinture par Gérard Zlotykamien
en 1963 sur le « trou des Halles », appelées
par l’artiste « éphémères », évoquent ainsi
les ombres humaines imprimées sur les
murs des rues à Hiroshima après l’explosion
de la bombe atomique ; l’installation, par
Ernest Pignon-Ernest dans plusieurs lieux
de Paris, en 1971 de grandes sérigraphies
représentant des gisants est faite elle, à
l’occasion du centenaire de la Commune
de Paris ; de même l’importante réflexion
théorique développée par Daniel Buren
à propos du « travail in situ » à partir de
1967. La révolution artistique urbaine parisienne, au contraire de celle new-yorkaise,
est revêtue d’une conscience politique et
esthétique assez prononcée.
Cabine téléphonique peinte par l’artiste russe naturalisé français Artof Popof, dans le cadre de « L’art à
l’Ourcq » 2014. Chemin de Halage.
© ggps
Graffiti et street art > Histoire et conscience
Pièce réalisée par Reka, accompagnée par deux « puppets » animaliers. Chemin de halage.
C’est le cas de la PAL (Peace and Love)
crew de Paris, composée par des artistes
tels que Horfée, Saeio, Tomek, Mosa et
Cony, qui ont contribué à l’histoire récente
du graffiti à travers un travail de déconstruction de la lettre, aboutissant à une
nouvelle forme d’abstraction urbaine. En
même temps, beaucoup de graffeurs ont
pris la voie du street art et d’un nouveau
muralisme à travers les supports, styles, les
techniques et les contenus les plus variés.
On a déjà vu les différents supports et
les techniques employées par les street
artistes. Aujourd’hui, nous pouvons aussi
observer leur absolue hétérogénéité de
styles et d’approches : d’une esthétique
empruntée à la culture des dessins animés, à une réflexion esthétique abstraite
concernant la forme et la couleur ; d’une
figuration expressionniste à une beaucoup
plus réaliste, parfois même hyper-réaliste ;
d’une approche insouciante, enfantine, à
une plus politisée.
© ggps
Il est donc assez difficile d’établir une
filiation sûre entre le graffiti et ce que,
aujourd’hui, nous appelons street art. On
pourrait parler d’une tradition américaine
et d’une tradition française plus ou moins
parallèles s’entremêlant au moment où le
graffiti américain – véritable nouveauté du
point de vue esthétique –, est remarqué par
les européens. Ces derniers, déjà accoutumés aux expériences urbaines françaises,
mais surtout aux avant-gardes, le réinterprètent selon leur propre vécu culturel.
Une fois débarqué en Europe, le graffiti
a pris une voie expérimentale qui nous
permet, aujourd’hui, de reconnaître dans
certains graffeurs européens de véritables
novateurs.
Papier collé abstrait d’Hélène Laxenaire alias Surfil,
« L’art à l’Ourcq » 2014. Quai de l’Aisne.
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Ensemble de pièces réalisées principalement par le TWE crew, anciens Magasins généraux.
© ggps
archives municipales de Pantin © L.Kruszyk
Graffiti et street art > Histoire et conscience
Street art « muraliste » sur pignon aveugle
du réunionnais Jace. « L’art à l’Ourcq » 2014.
Du graff spontané au graff
institutionnel : l’exemple de Pantin
Malgré leur nature vouée à l’éphémère,
le graffiti et le street art, peuvent-ils être
considérés comme patrimoine ? Ne seraitce pas un contre-sens ? Les municipalités,
les agences et les entreprises mettant en
place de véritables campagnes de repérage
et valorisation des expressions artistiques
urbaines spontanées sont de plus en plus
nombreuses. Parfois les mairies ou les
départements autorisent des actions sur
leurs murs ; parfois ils organisent, commandent ou soutiennent financièrement
des événements tels que festivals et parcours guidés. Il est difficile d’établir si
cette vague de patrimonialisation doit être
comptée parmi les causes ou les effets de
ce que nous pouvons appeler un changement
de peau du graffiti et du street art. Dans les
deux cas, il est toujours important d’observer le contexte dans lequel ces initiatives
sont entreprises. Pantin représente un cas
assez particulier et intéressant à observer.
Il s’agit d’un territoire urbain, caractérisé par
la présence d’importants vestiges industriels ; par l’absence d’un centre-ville ; par
un port fluvial sur le canal de l’Ourcq ainsi
qu’un important réseau ferroviaire. Pantin
a ainsi certains des traits des zones de
frontière qui avaient rendu possible la naissance du graffiti à New York, à la fin des
années 1960 : éloignement du centre-ville,
grands espaces, viaducs, chantiers, murs
non surveillés.
L’enracinement du graffiti à Pantin au
cours des années ne doit pas surprendre,
mais il est difficile d’établir quel rôle Pantin
a joué pour les writers des années 1980
et 1990, quand le graffiti se développait à
Paris. En revanche, nous savons que peu
après la fermeture des Magasins généraux
en 2000, le grand immeuble au bord de
l’Ourcq est devenu un véritable terrain de
jeu pour les graffeurs du 93, et souvent
pour d’autres artistes transitant par Paris.
L’agence publicitaire BETC, qui en fera son
nouveau quartier général en 2016, a effectué
une campagne de numérisation des graffiti existants à l’intérieur et à l’extérieur
de ce qui, entre-temps, a été rebaptisé la
« cathédrale du graff ». Cet état des lieux
d’entrée est visible à l’adresse internet
www.graffitigeneral.com, et une trentaine
de pièces, sélectionnées pas le graffeur et
écrivain Karim Boukercha, ont été matériellement retirées de leur contexte pour
être sauvegardées. Voici donc un premier
exemple de patrimonialisation du graffiti né
spontanément à Pantin. L’attention suscitée par le site a favorisé d’autres initiatives,
vouées à la création artistique urbaine et
soutenues par le Comité départemental du
tourisme de la Seine-Saint-Denis. En sont
des exemples le projet Inside Out du street
artiste et photographe français JR en 2013
et en 2014, l’événement « De l’art à l’Ourcq »,
qui a vu la participation d’une trentaine
d’artistes – dont Jace, ModuleDeZeer,
ArtofPopof et Seth – invités à réaliser leurs
œuvres dans le cadre de L’été du canal.
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Le quartier des Quatre-Chemins accueille,
depuis 2012, une initiative analogue à celle
organisée le long du canal. Il s’agit de l’événement annuel « L’art dans la rue », mais à
la différence de L’été du canal, celui-ci n’est
pas proposé par une institution, mais par
une association culturelle indépendante
appelée « Les 5 chemins ». Localisé principalement dans les rues Toffier-Decaux,
Marie-Louise, Neuve, Jacques-Cottin et
Cartier-Bresson, durant ses trois premières
éditions ce projet a réuni un ensemble
d’artistes assez hétérogène. Ainsi le quartier s’est peuplé des bonshommes bariolés
et hybrides de Kashink, artiste parisienne
engagée dans des sujets comme l’égalité des droits entre les hommes et les
femmes, l’homosexualité et la religion : on
en retrouve un, par exemple, dans un mural
collectif réalisé avec deux artistes londoniennes, Pang et Float. Ces mêmes rues
accueillent de petits animaux, souvent des
créatures fantastiques à l’esthétique très
enfantine, ressortant des bombes du crew
français ON/OFF, représenté par Stash,
Jok et Pers. Complète ce cadre, l’italien
Gianpaolo Pagni, à la base illustrateur,
créateur de papiers collés aux motifs abstraits et géométriques.
Rideau peint de Kashink. Ses bonshommes protéiformes apportent une réflexion sur l’hybridation des
genres sexuels. « L’art dans la rue », rue ToffierDecaux.
Tous ces investissements commandés
par des institutions, des entreprises ou
encore des associations semblent constituer l’identité artistique urbaine de Pantin.
Sans doute s’agit-il de manifestations
utiles à l’animation culturelle d’un territoire qui connaît, depuis quelques années,
un processus assez rapide de régénération urbaine. Cependant, l’ensemble de ces
initiatives ne représente que l’aspect le
plus évident d’une identité qui, il faut s’en
souvenir, reste ancrée dans les expressions artistiques illégales et spontanées.
L’exemple des Magasins généraux est certainement l’emblème d’une identité fort
ambigüe qui prend de plus en plus forme,
et qui est d’ailleurs le reflet de l’esprit du
temps de l’art urbain.
© ggps
Le portrait que l’on peut tracer de Pantin
est celui d’une ville caractérisée par la
présence du graffiti et du street art dans
ses deux faces : la face sauvage des graffiti
non autorisés, et la face « bourgeoise »
d’un art dont on se sert pour embellir les
rues ou avec la finalité de promouvoir un
événement, un sujet ou un produit.
Papier collé abstrait de Gianpaolo Pagni, illustrateur
italien invité. Rue Denis-Papin.
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« Hall of fame » du PAL crew, un des plus innovants
du panorama du graffiti européen qui a une recherche
esthétique très originale par une déstructuration
extrême de la lettre, jusqu’à en faire un élément abstrait,
difficilement déchiffrable. Friche, rue Édouard-Vaillant.
© ggps
© ggps
Une balade aux Quatre-Chemins
Mosa (PAL)
Skub (PAL)
Horfe (PAL)
Gues (PAL)
Tomek (PAL)
Gues (PAL)
Rizot (PAL)
Horfe (PAL)
Seone (SDK) et Staze (BSD)
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Friches de Pantin : les trésors
cachés du graffiti spontané
Le nom « Peace and Love » résonne
comme un choix emblématique : d’un côté
celui de s’éloigner de cette esthétique ; de
l’autre, de se moquer un peu d’elle. Dans ce
panorama, qui d’ailleurs concerne presque
toute l’Europe, le PAL et certains autres
crews jouent un rôle d’avant-gardistes, en
proposant une déstructuration extrême de
la lettre, jusqu’à la rendre élément abstrait
et indéchiffrable. On pourrait appeler le
graffiti des PAL du « metagraffiti » et,
d’une certaine manière, ce ne serait pas
inapproprié de penser à ce crew comme à
l’Oulipo du graffiti.
archives municipales de Pantin
Un parcours voué à la découverte d’un
territoire à travers son art urbain ne serait
donc pas complet s’il négligeait son côté le
plus séduisant : celui des graffiti illégaux
qui, nonobstant les nombreux projets, les
festivals, les campagnes publicitaires et les
commandes, les initiatives de patrimonialisation, ne cessent pour autant d’exister.
Heureusement, Pantin compte un nombre
exceptionnel d’exemples, dont certains
très fascinants. Tout observateur friand
de graffiti qui s’arrête devant une friche ou
un chantier pourra, en jetant un coup d’œil
entre les grilles, découvrir l’existence d’un
hall of fame (dans le jargon du graffiti, un
lieu occupé par un seul crew de graffeurs
ou par des noms très importants) comme
celui du PAL crew rue Denis-Papin, ou
encore celui de PAL, SDK et SDF au 34 avenue Édouard Vaillant, dans l’enceinte d’un
ancien garage.
Le PAL crew se compose de graffeurs
tels qu’Horfe, Saeio, Mosa, Tomek, Skub
et Cony, véritables pionniers d’un style et
d’une philosophie du graffiti parmi les plus
admirés et imités en Europe. Il est fondé
en 2009 dans une scène française encore
dominée par l’esthétique des gangs et de la
violence stéréotypée des périphéries qui va
avec le graffiti.
Terrain vague utilisé par les membres du PAL crew. Rue Denis-Papin.
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© ggps
NOTES
1 Hegel, G.W.F., Esthétique, 1823,
Introduction, Chap. 1, Section 1, § 3
2 Danto, A. C., The Transfiguration of
the Commonplace, Harvard University
Press, Cambridge MA 1983, pp. 1-32
3 Vasari G., Le Vite de’ più eccellenti
architetti, pittori et scultori italiani
(Firenze 1550), Einaudi, Torino, 1986,
p. 132
4 Garrucci, R., Graffiti de Pompéi :
Inscriptions et gravures, Paris, 1856
5 Mailer, N., Naar, J., The Faith of
Graffiti, Harper Collins, New York, 2009
6 The New York Times, “Taki 183
Spawns Pen Pals”, New York, 21 juillet
1971 (http://taki183.net/_pdf/taki_183_
nytimes.pdf)
7 Ehrlich D., Ehrlich G., “Graffiti in Its
Own Words”, dans New York Magazine,
New York, 3 juillet 2007 (http://nymag.
com/guides/summer/17406/)
8 http://www.nyc.gov/html/nograffiti/
html/aboutforce.html
9 Wilson, J. Q., Kelling, G. L., “Broken
Windows; The police and neighborhood
safety”, dans The Atlantic, New York,
mars 1982
10 Parise, G., “La nuova cultura popolare
americana”, dans New York, Edizioni del
Ruzante, Venezia 1976
11 Baudrillard, J., “Kool Killer, ou l’insurrection par les signes”, dans L’échange
symbolique et la mort, Gallimard, Paris,
1976, pp. 118-128
12 Ibidem
13 Debord, G., “Théorie de la dérive”,
dans Les lèvres nues n. 9, décembre
1956
Bibliographie sélective
sur le graffiti et le street art
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Waklawek A., Graffiti and Street Art,
Thames & Hudson, London 2011
© ggps
Dimanche 14 juin 2015
Vittorio Parisi
Doctorant en Esthétique,
Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne
Ce parcours est proposé par
la Ville de Pantin
et conçu par le pôle
mémoire
& patrimoine
84-88 av.du Général-Leclerc
T 01 49 15 39 99
Mai 2016 - Conception graphique gegeps@sfr.fr
patrimoine.ville-pantin.fr